La situation est des plus paradoxales : plus les marchés publics "clausés" - incluant une part des heures de travail (entre 5% et 10%) réservée à des publics éloignés de l’emploi - augmentent et plus les financements pour accompagner l’organisation nécessaire à leur bon fonctionnement se réduisent.
Cette organisation nécessite la création par les maîtres d’ouvrage de postes de "facilitateur" jouant un rôle clé dans la mise en œuvre des clauses d’insertion. Il se situe à l’interface entre toutes les parties prenantes : le maître d’ouvrage, les structures d’insertion (Pôle emploi, missions locales, Plie, maisons de l’emploi), les entreprises titulaires d’un marché et les structures porteuses d’un contrat.
"Légalement, recruter un facilitateur n’est pas une obligation", explique Lucie Becdelièvre. "Mais dans la pratique c’est indispensable, car il a à la fois la connaissance du cadre juridique, du tissu économique local et des structures d’insertion présentes", argue la déléguée générale d’Alliance villes emploi (AVE), "cela permet de mettre en œuvre des clauses réalistes au regard des caractéristiques d’un territoire et cela dans une position de neutralité".
15 millions d’heures d’insertion
Si une opération peut être similaire en Vendée ou en Seine-Saint-Denis, elle ne sera pas calibrée de la même manière, car les publics et les compétences disponibles sont distincts d’un territoire à un autre. "Le facilitateur accompagne également l’entreprise pour qu’elle respecte les clauses contenues dans les marchés qu’elle remporte", ajoute Jérôme Dormoy, chef de projet à AVE. Enfin, "il contrôle la réalisation effective de la clause et déclenche si besoin les pénalités", prévient cet expert en clauses sociales.
En France, 75% des territoires sont couverts par un facilitateur et peuvent donc mettre en œuvre des marchés clausés "dans les meilleures conditions", indique Jérôme Dormoy. En 2018, 15 millions d’heures d’insertion ont été réalisées dans le cadre de marchés clausés, soit 9.600 ETP. Fin mars 2019, on comptait 456 facilitateurs répartis sur 326 structures qui peuvent couvrir un territoire communal, mais le plus souvent celui d’une ou plusieurs intercommunalités, voire un département selon les cas. Les postes de facilitateur sont portés à parts égales par des Plie, des maisons de l’emploi (MDE) ou des collectivités locales. Avec toutefois la difficulté que la participation de l’État au fonctionnement des MDE est passée de 400.000 euros en 2005/2007 à 50.000 euros en 2019. Si la loi de finances pour 2020 maintient un budget de 5 millions d’euros au fonctionnement des MDE en France, "il est réparti de façon très aléatoire", commente Lucie Becdelièvre, se satisfaisant toutefois du fait que le discours du gouvernement a évolué à ce sujet, "puisqu’en 2019 les MDE ne présentaient plus d’intérêt pour ce dernier et en 2020 elles sont de nouveau considérées comme un outil de développement territorial".
Les collectivités locales prennent le relais des MDE
Quand, pour des raisons financières, les MDE ferment ou ne peuvent plus assurer leurs missions au titre de la clause sociale, "les collectivités locales prennent le relais, mais ce n’est pas possible partout", souligne la déléguée générale, et d’autant moins que l’obligation de limiter la hausse des dépenses de fonctionnement à 1,2% par an de ces dernières freine ce genre de dépenses. "L’État déconcentré commence à se sentir davantage impliqué face à l’augmentation de marchés publics d’État clausés (10% du total), sans toutefois que des moyens financiers ne soient affectés", déplore Lucie Becdelièvre. Sans compter que plus un donneur d’ordre est éloigné du local, moins il se sent impliqué par le financement des postes de facilitateurs. À l’inverse, la Société du Grand Paris, maître d’ouvrage du nouveau métro, alloue une subvention de 60.000 euros par an aux territoires de la petite couronne parisienne sur lesquels elle intervient pour accompagner les acteurs locaux.
Aussi, Alliance villes emploi va-t-elle prochainement soumettre des propositions à l’État afin de créer un modèle pérenne "qui ne se limite pas à demander des contributions à l’État même si ce dernier doit prendre sa part". Pour ce faire, AVE procède actuellement à un état des lieux actualisé des postes de facilitateurs et de leur financement tenant compte de toutes les spécificités territoriales.
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