un timide pas de deux

October 2024 · 7 minute read

Le Nord-Pas-de-Calais a annoncé le 4 mai 2007 son entrée dans la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et le lancement d'un plan d'investissement de 48 millions d'euros sur quatre ans.
L'article 70 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a en effet permis la mise en place d'une expérimentation, "pour une durée de quatre ans, afin de permettre aux régions qui en font la demande de participer au financement et à la réalisation d'équipements sanitaires". Les régions volontaires s'engagent également, par le biais d'une convention, à participer au financement du fonctionnement de l'agence régionale de l'hospitalisation. En contrepartie, elles se voient proposer le tiers des sièges de la commission exécutive de l'ARH, à parité avec les représentants de l'Etat et ceux de l'assurance maladie.
Pour Michel Autès, le vice-président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais chargé de la prévention et de la santé, "c'est une petite révolution dans la démocratie sanitaire", l'ARH étant "le lieu où se prend l'ensemble des décisions concernant l'organisation du système hospitalier". Les 48 millions d'euros apportés par la région pour la période 2006-2009 serviront notamment au financement d'équipements hospitaliers lourds (appareils de dépistage, de diagnostic, de suivi thérapeutique et de traitement des cancers) et au développement de la télémédecine. Pour la région, cet investissement "vise notamment à réduire les inégalités de santé et à améliorer l'accessibilité aux soins sur l'ensemble des territoires".
Au-delà de cet effort financier, le Nord-Pas-de-Calais, qui investit déjà dans la mise en oeuvre d'un plan régional de lutte contre les cancers, entend aussi se mobiliser avec l'ARH sur les questions relatives à la démographie des professions de santé. L'objectif est de faire face aux pénuries qui vont s'aggraver dans les prochaines années pour certains métiers.

Une vieille tradition de méfiance

Cet intérêt pour le secteur de la santé est toutefois loin d'être partagé par toutes les régions et, au-delà, par les autres collectivités territoriales. Si, initialement, quelques autres régions étaient tentées par l'aventure, finalement, le Nord-Pas-de-Calais est la seule région à s'être saisie de la possibilité d'expérimentation ouverte par la loi.
Tout au plus peut-on rappeler une tentative sans lendemain de la région Alsace d'expérimenter un projet de régionalisation de la santé dans le cadre d'un autre dispositif : celui mis en place par la loi du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.
Il est vrai que les collectivités ont quelques raisons de faire preuve de prudence. La décentralisation de 1982-1983 avait incité certaines d'entre elles à s'investir dans le domaine de l'hospitalisation, en participant déjà au financement d'équipements hospitaliers. Mais elles ont rapidement pris conscience qu'elles ne disposaient, en la matière, d'aucun pouvoir de décision et se trouvaient ainsi soumises au bon vouloir des pouvoirs publics et aux contraintes draconiennes de la carte sanitaire. L'ampleur et la croissance continue des dépenses de ce secteur - 67 milliards d'euros pour les établissements de soins en 2005 -  contribuent également à refroidir les enthousiasmes. Enfin, l'acte II de la décentralisation, qui a ramené dans le giron de l'Etat certaines compétences sanitaires confiées aux départements en 1983 (tuberculose, dépistage du VIH et du cancer du sein...), n'a pas davantage incité les collectivités à se risquer sur ce terrain. Sans oublier le peu d'enthousiasme de l'assurance maladie - qui s'est ouvertement exprimée sur ce point lors des débats autour de la loi de 2004 - face à une éventuelle association des régions aux politiques d'hospitalisation...

Des initiatives ponctuelles et une piste pour l'avenir

Santé, social, vieillissement

La Banque des Territoires se mobilise.

En dehors du cas particulier du Nord-Pas-de-Calais, les collectivités ne sont toutefois pas totalement absentes de ce secteur. Leurs interventions prennent plutôt l'aspect d'initiatives ponctuelles, largement dictées par le contexte local. Après la canicule de 2003, marquée par un engorgement des services d'urgence, la région Ile-de-France a ainsi apporté plusieurs millions d'euros au plan de rénovation des urgences. De même, le Languedoc-Roussillon s'est fortement investi dans le projet de l'hôpital transfrontalier franco-espagnol de Puigcerda, dont la première pierre sera posée en juillet 2007. Des départements et des communes investissent également dans le secteur hospitalier, en particulier dans le domaine de la mise aux normes des maternités. Enfin, il faut rappeler que la loi de décentralisation du 13 août 2004 a confié aux régions des responsabilités très importantes dans la formation des personnels soignants et paramédicaux : participation à l'évaluation des besoins, délivrance des autorisations aux établissements de formation, financement du fonctionnement et de l'équipement des instituts publics, agrément des directeurs...
La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a ouvert aux régions et - dans une moindre mesure - aux autres collectivités de nouvelles opportunités en matière de santé. L'élaboration de plans régionaux de santé publique (PRSP) a en effet conduit à mettre en place de nouveaux outils associant les collectivités à des politiques gérées jusqu'alors exclusivement par l'Etat. C'est le cas des conférences régionales de santé, instaurées par le décret 2005-1539 du 8 décembre 2005, et des groupements régionaux de santé publique, qui en sont le bras séculier (décrets 2005-1234 et 1235 du 26 septembre 2005).
A défaut des soins, qui devraient demeurer encore longtemps la chasse gardée de l'Etat et de l'assurance maladie, la prévention pourrait ainsi ouvrir un nouveau champ aux collectivités.

Jean-Noël Escudié / PCA pour Localtis

Un feuilleton à rebondissements

Quelques mois après la promulgation de la loi Libertés et Responsabilités locales, dès novembre 2004, les élus du Nord-Pas-de-Calais commencent à discuter de l'opportunité d'entrer dans l'expérimentation proposée puis entament un dialogue avec l'ARH. En novembre 2005, l'assemblée régionale vote le principe d'une adhésion au dispositif, tout en attendant des précisions sur le contenu de l'expérimentation... qui tardent à venir puisque le décret d'application prévu par la loi n'est toujours pas publié. Parmi les autres régions aussi, des discussions ont lieu. "Une petite douzaine d'entre elles étaient tentées", se souvient Michel Autès. Selon lui, la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) elle-même se montrait plutôt réticente. Les régions découvrent ensuite un projet de décret, au contenu "très dissuasif". Résultat : seul le Nord-Pas-de-Calais restera sur les rangs.
En février 2006, l'assemblée régionale vote un projet de convention avec l'ARH, proposant d'affecter 32 millions d'euros aux investissements hospitaliers. Le décret paraît en avril. Mais, en décembre 2006, l'ARH fait marche arrière, donnant un avis défavorable à l'entrée des élus régionaux au sein de la commission exécutive. Il faudra l'intervention du ministère et un avis positif du Conseil d'Etat pour que l'ARH finisse par donner son feu vert, début 2007. "Entre-temps, nous avons fait passer notre proposition de participation de 32 à 48 millions d'euros et avons procédé à quelques aménagements de la convention", explique Michel Autès, qui parle volontiers d'un cheminement "rocambolesque". Il souligne également que la région a tenu à prévoir certains garde-fous : s'engager sur une enveloppe chiffrée et non sur un pourcentage de participation, préciser que la région concourt au financement du gros équipement médical et non pas par exemple aux investissements immobiliers...

Un premier pas vers une agence régionale de santé

Cet engagement inédit du Nord-Pas-de-Calais a évidemment suscité des questions au sein même du conseil régional : comment être sûr que l'intervention de la région apportera un réel "plus" et ne viendra pas simplement se substituer à ce qu'aurait dû faire l'Etat ? est-il légitime d'entrer ainsi dans l'organisation même du système de soins ? L'évaluation de l'expérimentation, qui aura lieu dans trois ans, le dira. D'ici là, Michel Autès compte bien faire en sorte que la région pèse de tout son poids, notamment en termes d'aménagement du territoire. Il plaide par exemple pour que l'unique CHU de la région, basé à Lille, devienne un CHU "multipolaire". Les questions relatives à la démographie des professionnels de santé lui paraissent également essentielles.
La loi relative à l'assurance maladie, également datée du 13 août 2004, a créé les missions régionales de santé qui réunissent les ARH et les unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam). Ou comment rapprocher le pilotage de l'hospitalier et de la médecine de ville. Ces "missions" doivent en principe pouvoir évoluer, dans le cadre d'une autre expérimentation, vers de véritables "agences" régionales de santé intégrant ARH et Urcam dans une structure unique. Dans le Nord-Pas-de-Calais, la région y serait de facto associée.

Claire Mallet

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