A l'occasion du colloque tenu le 20 octobre au Conseil de l'Europe sur le thème de l'asile, des migrations et des mineurs isolés étrangers, l'association France terre d'asile a présenté une étude intitulée "L'accueil et la prise en charge des mineurs non accompagnés dans huit pays de l'Union européenne". Réalisé conjointement avec l'Institute for Rights, Equality and Diversity et le Consiglio italiano per i refugiati, ce travail a été cofinancé par le programme "droits fondamentaux et citoyenneté" de l'Union européenne. Les huit pays de l'échantillon sont l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, la Roumanie et la Suède.
La synthèse d'une cinquantaine de pages - le rapport final sera disponible en novembre 2010 - est riche d'enseignements. Le principal réside dans la très grande diversité - voire les contradictions - entre les Etats, dans un domaine qui est pourtant transfrontalier par essence. Pour les auteurs de l'étude, "cette grande disparité entre les législations et pratiques nationales s'explique par l'absence de prise en compte spécifique de cette problématique au niveau européen". Il est vrai que les différences sont profondes, et cela à tous les niveaux. Par exemple, sur les huit pays étudiés, six donnent une définition - rarement convergente - des mineurs non accompagnés dans leur droit national, tandis que deux (l'Espagne et la France) ne disposent d'aucune définition.
Ces mêmes divergences se retrouvent dans le droit au séjour des mineurs non accompagnés. La législation de quatre pays (Grèce, Hongrie, Grande-Bretagne et Suède) fait qu'il existe une possibilité d'irrégularité du séjour d'un mineur isolé, alors que cette possibilité n'existe pas dans les quatre autres. En France, par exemple, leur prise en charge par les services de protection de l'enfance rend automatiquement régulier le séjour des mineurs non accompagnés. Ils peuvent alors demander un titre de séjour par le biais de la structure exerçant la tutelle, neuf mois après leur prise en charge et lorsque leur rapatriement a été reconnu impossible. L'éloignement éventuel du mineur ne peut reposer que sur la volonté du mineur en France et en Espagne, alors que d'autres pays se fondent sur les conditions existant dans le pays de retour (Italie et Suède), font cohabiter plusieurs formes d'éloignement (Grande-Bretagne, Roumanie et Hongrie), voire alignent le régime de l'éloignement sur celui des adultes (Grèce). Ces différences se retrouvent également dans la représentation légale du mineur isolé (en France, cette mission incombe à "l'administrateur ad hoc") et dans les modalités de traitement des demandes. L'application du règlement Dublin II - qui prévoit que le premier Etat dans lequel le demandeur est entré est tenu de traiter la demande d'asile - offre une autre occasion de contradiction. Seule la France ne l'applique pas, mais les auteurs du rapport lui donnent en l'occurrence raison dans le cas de l'enfance, en proposant d'écarter l'application du règlement Dublin II pour tous les mineurs non accompagnés, à l'exception des transferts visant à réunir les familles. Curieusement, c'est sur l'un des points les plus contestés - les examens médicaux pour déterminer l'âge réel des mineurs - que la convergence est la plus grande, tous les Etats pratiquant plus ou moins la méthode de l'examen osseux, même si sa fiabilité est mise en doute par le corps médical. Ce n'est pas le cas pour la prise en charge sociale des mineurs isolés, puisque celle-ci va de la prise en charge par des dispositifs spécifiques d'aide sociale à l'enfance (France, Italie...) à la quasi-absence de protection sociale (Grèce), en passant par des prises en charge de droit commun (Grande-Bretagne, Suède...). L'accès au système scolaire et à la santé est en revanche ouvert dans les huit pays étudiés.
Le rapport ne se contente pas de mesurer les écarts mais présente aussi un ensemble de préconisations dont la logique générale est de tirer le dispositif vers le haut en s'alignant, pour chaque aspect étudié, sur le pays le plus avancé. Ces grands principes sont repris dans une "déclaration aux Etats européens pour renforcer la protection des mineurs", présentée conjointement par le Conseil de l'Europe, France terre d'asile et l'association Thémis (spécialisée dans la protection du droit des enfants). Celle-ci affirme notamment "la nécessité d'élaborer des principes communs sur les mineurs isolés étrangers, qui respectent l'intérêt supérieur de l'enfant et qui renforcent la coopération entre les pays européens".
Jean-Noël Escudié / PCA
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