"Le montant réel final des investissements réalisés pour les Jeux ou à l’occasion des Jeux sera supérieur à celui annoncé en 2018." Dans son rapport au Parlement sur l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, présenté le 10 janvier devant la mission d'information ad hoc du Sénat, la Cour des comptes ne s'embarrasse pas d'ambages. Si la gouvernance donne globalement satisfaction, il n'en va pas de même des délais de livraison, de l'équilibre financier final du projet et de l'héritage. Ce rapport intervient par ailleurs à un moment-clé car "les deux tiers des dépenses du Cojop [comité d'organisation, ndlr] seront engagées en 2023 et 2024".
Pour la Cour des comptes, la gouvernance de Paris 2024 appelle un satisfecit. Elle est jugée "consensuelle" et les Sages notent que les délibérations des conseils d’administration du Cojop et de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) ont "quasiment toutes été adoptées à l’unanimité". Autre observation : "De façon générale, toutes les collectivités territoriales impliquées ont mis en place des instances de gouvernance et de pilotage consacrées à la préparation des Jeux, qui n’appellent pas d’observations particulières." "Pour autant, ajoutent-ils, si les principes généraux de partage des responsabilités entre l’organisateur, la Solideo, l’État et les collectivités territoriales, sur le plan organisationnel comme sur le plan financier, ont été établis, leur déclinaison n’est pas à ce jour stabilisée, ce qui laisse subsister des incertitudes opérationnelles et des risques financiers."
Au chapitre de la gouvernance, on note encore "une application à ce stade globalement conforme du droit de la commande publique". Et ce, malgré "des risques à anticiper en fin de période".
Des investissements en hausse pour les collectivités
Côté ouvrages, le niveau d'alerte s'élève. Alors que "les arbitrages rendus ont permis, dans l’ensemble, de préserver l’essentiel de la maquette financière initiale de la Solideo, nonobstant les surcoûts constatés sur certains ouvrages, il s’agit désormais de tenir les délais de livraison, malgré les tensions d’approvisionnement liées au contexte international", écrit la Cour. En outre, à la date d'établissement du rapport, seules onze des quatre-vingts conventions d’utilisation prévues avaient été signées. Un décalage de calendrier qui, pour la Cour, "entraîne un risque opérationnel et un risque financier avérés".
Sur le financement des investissements, la Cour estime que s'il a été "contenu" pour l’État, il a fait l'objet d'"une hausse importante" pour les collectivités territoriales et les financeurs privés". Pour les collectivités, on est en effet passé de 620 à 930 millions entre 2018 à 2022, soit 50% d'augmentation.
La sécurité, "un véritable défi"
Avec la sécurité et les transports, les alarmes atteignent un niveau supérieur. La sécurité présente selon les magistrats de la Cour des comptes "un véritable défi capacitaire". Dans leur viseur, les forces de sécurité intérieure mais surtout la sécurité privée, pour laquelle le rapport appelle à anticiper une "probable insuffisance".
En articulation étroite avec la sécurité, les transports affichent du retard. "Plusieurs opérations d’infrastructures [Éole/Porte Maillot, ligne 14, franchissement urbain Pleyel], prévues ou non dans le dossier de candidature mais qui participeront fortement à la bonne tenue des Jeux, présentent des risques majeurs du fait de calendriers d’ores et déjà tendus et sans véritable marge de manœuvre", écrit la Cour. Et par un euphémisme dont elle a le secret, elle invite à "rationaliser une comitologie encore trop importante". En d'autres termes, il s'agit "d’arrêter définitivement les plans stratégiques de sécurité et de transport et d’entrer de plain-pied dans leur déclinaison opérationnelle, site par site".
Le budget du Cojop en question
Mais les plus gros points noirs pour les magistrats financiers, ceux qui seraient susceptibles de remettre en cause la promesse à l'origine du projet olympique – visant à "organiser des Jeux sobres d’un coût maîtrisé pour les finances publiques" – restent les investissements "plus élevés que prévu" et l'équilibre financier du budget du Cojop, à ce jour "non assuré". Selon le rapport, il n'y a en effet pas de doute, "le montant réel final des investissements réalisés pour les Jeux ou à l’occasion des Jeux sera supérieur à celui annoncé en 2018".
Ce dépassement budgétaire s'explique par deux raisons principales. Tout d'abord, la maquette financière de la Solideo a été établie en euros constants 2016 à 1,6 milliard d'euros (hors village des athlètes et village des médias) et son indexation, prévue dès l’origine, conduit à un coût supplémentaire de 306 millions, amplifié par l’accélération de l’inflation liée aux tensions internationales. Par ailleurs, cette maquette comporte des financements complémentaires principalement d’origine publique correspondant essentiellement à des investissements réalisés par des collectivités territoriales maîtresses d’ouvrage, pour un montant total "désormais proche de 700 millions en euros constants".
Quant au budget pluriannuel du Cojop, établi en 2018 à 3,8 milliards d'euros, il a été "substantiellement révisé lors de la séance du conseil d’administration du 12 décembre 2022" pour être porté à 4,38 milliards, soit, à périmètre constant, une augmentation de 17,7%. Si l'on ajoute à cela le fait que "des incertitudes substantielles subsistent sur les recettes attendues, notamment en provenance des contrats de partenariats", la Cour en conclut que "l’objectif d’assurer l’équilibre du budget pluriannuel et celui de maintenir voire de renforcer l’ambition du projet olympique de Paris 2024 ne paraissent pas en l’état conciliables".
Des dépenses publiques et privées mélangées
Sur l'aspect financier toujours, la Cour synthétise ses doutes par la formule suivante : "L'évaluation de l’ensemble des coûts liés à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ne peut être à ce jour établie." Et deux points jettent un peu plus d'huile sur cette tache d'incertitude. D'une part, "le budget du Cojop {a] été établi en 2018 sur une hypothèse d’inflation moyenne de 1,4%, aujourd’hui dépassée". D'autre part, la présentation retenue par les organisateurs des Jeux et les responsables publics dans le cadre de la candidature, en ce qu'elle "mélange des dépenses publiques et des dépenses privées de diverses natures [et] repose sur des périmètres conventionnels qui ont évolué", ne facilite pas la compréhension du coût réel des Jeux.
Dernier aspect étudié dans le rapport : les quelque 170 mesures amenées à constituer l'héritage des Jeux de Paris 2024. La Cour les juge "en première analyse assez disparates, de niveau et d’enjeu très variables", et estime que le programme Héritage gagnerait à "être mieux hiérarchisé et les indicateurs de résultats associés à chaque action davantage précisés et évaluables in fine".
Il convient enfin de préciser que ce rapport ne prend pas en compte la dernière révision budgétaire du Cojo établie en décembre 2022. Un rapport complémentaire, prévu au premier semestre 2023 actualisera, le cas échéant, ses constats et recommandations.
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