Le Conseil des ministres du 23 juillet a adopté le projet de loi relatif à la réforme de l'asile. Très attendu, ce texte entend résoudre "les dysfonctionnements importants du système français de l'asile, qui le mettent aujourd'hui en danger". Il s'appuie pour cela sur une double source. D'une part, certaines des préconisations du rapport remis, le 28 novembre dernier, au ministre de l'Intérieur par Valérie Létard, sénatrice (UDI) du Nord, et Jean-Louis Touraine, député (PS) du Rhône (voir notre article ci-contre du 2 décembre 2013). D'autre part, la transposition des directives européennes de juin 2013.
Des garanties supplémentaires pour les demandeurs d'asile...
En termes qualitatifs, l'objectif affiché par le gouvernement est de "réformer en profondeur le droit de l'asile, selon deux axes : renforcer les garanties des personnes ayant besoin d'une protection internationale ; statuer rapidement sur les demandes d'asile". En termes quantitatifs, il est de parvenir à un délai moyen de neuf mois pour le traitement des demandes d'asile.
Le projet de loi introduit en effet un certain nombre de garanties supplémentaires, comme l'enregistrement plus rapide des demandes d'asile, la présence d'un conseil lors de l'entretien avec un officier de protection, une meilleure prise en compte des vulnérabilités ou encore la généralisation de l'effet suspensif des recours contre les décisions refusant l'asile.
Pour tenter d'atteindre l'objectif d'un délai moyen de neuf mois, le texte prévoit plusieurs mesures : renforcement des moyens de l'Ofpra (qui reste à préciser), mise en place d'une nouvelle procédure accélérée qui remplacera l'actuelle procédure prioritaire, révision des procédures contentieuses avec la création d'une procédure de recours suspensif (procédure accélérée devant un juge unique de la Cour nationale du droit d'asile en cinq semaines), délai imparti à la CNDA en procédure normale ramené à cinq mois...
... mais une contrainte beaucoup plus forte sur le lieu d'hébergement
Mais la mesure la plus discutée sera sans nul doute la mise en place "comme l'ont fait bon nombre de pays de l'Union européenne, d'un dispositif d'hébergement contraignant, permettant d'affecter le demandeur d'asile dans une autre région que celle où il se présente". Cette mesure doit "rendre les conditions d'accueil des demandeurs d'asile plus justes et plus équitables, mais aussi plus directives". Pour les collectivités, cette mesure permettra d'éviter la concentration des demandeurs d'asile sur un nombre restreint de départements et de villes.
La mesure s'inspire du dispositif mis en place pour les mineurs isolés étrangers (MIE), dans le cadre de l'accord entre le ministère de la Justice et l'Assemblée des départements de France, mais sur un registre nettement plus contraignant. En effet, le demandeur d'asile qui refusera son transfert sur un autre site que celui de son arrivée en France ainsi que l'hébergement proposé, perdra le bénéfice de l'allocation temporaire d'attente (ATA).
Au passage, le communiqué du Conseil des ministres indique aussi que "le dispositif d'hébergement fera l'objet d'une montée en charge progressive, pour généraliser le modèle du centre d'accueil de demandeurs d'asile". Une orientation qui reste toutefois à préciser en termes de programme de créations de places en Cada. De même, le projet de loi prévoit - comme le demandaient tous les rapports sur le sujet - une réforme de l'ATA, afin d'unifier les allocations perçues et de mieux prendre en compte la dimension familiale.
Dernière précision : le projet de loi présenté le 23 juillet "n'est qu'un élément d'une réforme ambitieuse de l'asile", ce qui laisse augurer un certain nombre d'autres réformes de nature réglementaire.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : projet de loi relatif à la réforme de l'asile (présenté au Conseil des ministres du 23 juillet 2014).
La Fnars s'inquiète du "système directif" et demande 20.000 places de Cada
La Fnars - qui regroupe la majorité des centres d'hébergement et des plateformes associatives pour les demandeurs d'asile - n'a pas tardé à réagir à la présentation du projet de loi. Dans un communiqué du 23 juillet, elle indique que "les associations s'inquiètent de la mise en place d'un système 'directif' d'hébergement sous contrainte qui porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes". Elle estime en effet que la perte du droit d'hébergement pour les demandeurs d'asile qui refusent leur affectation d'office "contrevient largement au principe d'accueil inconditionnel des sans-abri". Elle affirme aussi qu'il n'appartient pas aux associations - gestionnaires des structures d'accueil - de "se substituer aux services de l'Etat en matière de police des étrangers" et entend bien intervenir en ce sens lors du débat parlementaire.
Rappelant que seuls "36% des demandeurs d'asile accèdent à un centre d'accueil (Cada) et qu'un grand nombre est confronté à la grande précarité et à l'errance", la Fnars réclame la création de 20.000 places de Cada d'ici à 2017.
Enfin, elle exprime "ses profondes réserves" sur la mise en place de centres dédiés aux personnes déboutées en attente de leur éloignement et appelle toutes les associations adhérentes à refuser de les gérer.
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