Récemment publiées, les directives européennes sont officiellement entrées en vigueur le 18 avril 2014. A compter de cette date, les Etats membres disposeront de deux ans pour transposer cette réglementation, soit jusqu'à avril 2016.
La transposition en droit français des nouvelles règles européennes en matière de commande publique devrait se faire en plusieurs étapes mais "le calendrier qui se présente devant nous promet d'être assez chargé" a souligné d'emblée Jean Maïa, le nouveau directeur des affaires juridiques à Bercy. Les grandes lignes de ce calendrier avaient déjà été annoncées par Pierre Moscovici au cours du colloque organisé par Bercy le 12 mars 2014 sur la transposition des directives.
Déjà un décret pour le mois de juin ?
Dans un premier temps, les mesures de simplification favorables aux petites et moyennes entreprises ainsi qu'à l'innovation seront reprises dans un décret prévu pour le mois de juin 2014. Les exigences concernant le chiffre d'affaires des candidats seront plafonnées et les dossiers de candidature simplifiés. "Les candidats n'auront plus à produire de pièces justificatives mais seront invités à remplir un document unique de marché." Ce document prendra la forme d'un formulaire européen qui devrait être élaboré par la Commission européenne début mai 2014, a souligné Jean Maïa. Par ailleurs, les acheteurs publics ne pourront plus exiger les pièces justificatives dont ils disposent déjà (la règle "Dites-le nous une seule fois"). Le partenariat d'innovation qui permet aux acheteurs de lier leurs achats publics à des projets de recherche et de développement sera également mis en place.
Le décret, soumis pour avis à la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) ainsi qu'au Conseil d'Etat, devrait "être publié à l'été pour une entrée en vigueur au 1er octobre 2014", a précisé le directeur des affaires juridiques. Un arrêté ministériel le complétera lorsque le document de marché unique européen (Dume) sera définitivement arrêté par la Commission.
Transposition par voie d'ordonnance
Dans un second temps, le gouvernement demandera au Parlement une habilitation pour transposer par ordonnance les nouvelles règles en matière de marchés publics. L'idée du gouvernement est "d'avoir un seul et même texte au niveau législatif qui emporte transposition des directives marchés publics (secteurs classiques et secteurs spéciaux)", selon Jean Maïa. Le choix d'une ordonnance n'est pas anodin puisque le Code des marchés publics va ainsi accueillir "un chapeau législatif" et ne plus conserver un caractère exclusivement règlementaire tel qu'issu du décret-loi de 1938. Le régime juridique des marchés publics soumis au Code des marchés publics et à l'ordonnance du 6 juin 2005 sera ainsi uniformisé. "L'ordonnance paraîtra sans doute au premier semestre 2015." L'achèvement par voie réglementaire de cet arsenal juridique devrait se faire d'ici "fin 2015".
2014/2015... la directive Concession
Enfin, la troisième étape de cette transposition concerne l'intégration en droit français de la directive concessions. Le gouvernement propose de procéder par le biais "d'un projet de loi ordinaire" pour transposer cette règlementation vers la fin de l'année 2014 et le début de l'année 2015. Selon Jean Maïa, "le projet de loi devrait être adopté dans l'année 2015 pour que les décrets d'application paraissent d'ici l'échéance d'avril 2016". Même si le "chantier est assez lourd" pour le directeur des affaires juridiques, les travaux sont déjà entamés et il s'agira surtout d'un travail de concertation, l'idée étant de préserver le régime juridique issu de la loi "Sapin" de 1993.
A terme, l'idée serait que "le droit des marchés publics et le droit des concessions, ainsi remis dans l'ordre, soient rassemblés dans un nouvel instrument, un véritable Code de la commande publique". Ce travail de codification est programmé pour "les années 2016-2017", a conclu le directeur des affaires juridiques.
Le contenu des directives : des avancées et des clarifications...
La sous-directrice de la commande publique de la DAJ, Catherine Delort, est également intervenue au cours de cette session d'études et a exposé les avancées et les clarifications apportées par les nouvelles directives.
Parmi les avancées, la nouvelle règlementation favorise la prise en compte de considérations environnementales et sociales. Elles représentent "une véritable avancée" tout en n'étant qu'une "codification de la jurisprudence européenne" (CJUE, 10 mai 2012, aff. n° C‑368/10 Commission c. Pays-Bas). Ainsi, des critères tels que le cycle de vie du produit, sa composition ou bien la qualification du personnel permettront au pouvoir adjudicateur de mieux noter un dossier de candidature. Par ailleurs, la transposition accélérée des dispositions en droit français sur la simplification des dossiers de candidatures devrait s'accompagner d'une "obligation pour les pouvoirs adjudicateurs d'accepter ces dossiers simplifiés", tout en veillant à ce que "l'ensemble des marchés publics soient concernés".
S'agissant des clarifications apportées par le texte européen, il est question principalement de la cristallisation de la jurisprudence sur la quasi-régie, de l'abandon de la liste des services prioritaires et non prioritaires et de l'encadrement des avenants.
Ainsi, en matière de quasi-régie, l'essentiel de l'activité au bénéfice du pouvoir adjudicateur est clairement définie puisqu'elle correspond à 80% de l'activité totale de l'entreprise.
Ensuite, l'abandon de la liste des services prioritaires et non prioritaires s'inscrit dans une logique de libre concurrence, excepté pour certains services (sociaux, culturels, sportifs par exemple) pour lesquels la directive n'est pas applicable et la procédure allégée possible sous le seuil de 750.000 euros.
Enfin, bien que la jurisprudence soit abondante en matière d'avenants, les nouvelles directives posent un cadre juridique précis. Ainsi, les seuils de 10% pour les marchés de services et de 15% pour les marchés de travaux sont dorénavant mentionnés.
Catherine Delort a également apporté quelques précisions sur la nouvelle directive Concessions qui vient selon elle "combler un vide juridique au niveau européen". Dans la pratique, "aucune véritable révolution" n'est à observer, le changement se retrouvant davantage "dans les définitions et le vocabulaire" employés. Toutefois, une avancée majeure est à souligner, celle de l'harmonisation de la règlementation entre concessions de travaux et concessions de services, créant ainsi un corpus unique avec les mêmes règles, les mêmes procédures et les mêmes seuils.
L'Apasp
Référence : Conseil d'Etat, 4 avril 2014, n° 358994
Contentieux, médiation, in house... l'actualité de la commande publique
Lors de cette même session d'études, l'actualité contentieuse des contrats a également été abordée. L'avocat Franck Lepron avait ainsi informé les acheteurs publics d'une prochaine décision du Conseil d'Etat concernant l'extension du recours "Tropic travaux signalisation" à tous les tiers. C'est chose faite depuis, puisque par un arrêt du 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, la Haute Juridiction a étendu à tous les tiers justifiant d'un intérêt suffisant la possibilité de former un recours en contestation de validité d'un contrat public (voir notre article du 9 avril 2014). Reste à voir quelle ouverture le Conseil d'Etat entendra donner à ce nouveau recours, l'idée étant d'éviter d'ouvrir trop largement la porte au contentieux direct contre les marchés publics, selon Franck Lepron.
Bertrand Rouzier, responsable du pôle juridique au sein de la médiation des marchés publics, a apporté un éclairage sur l'accès des PME à la commande publique. En effet, l'une des missions de cette instance est de favoriser l'accès des entreprises locales aux marchés publics. La large diffusion du guide "Osez la commande publique" (voir notre article du 30 octobre 2013) ainsi que la mise en place d'un réseau d'ambassadeurs des marchés publics sur le territoire national pour diffuser une information auprès des chefs d'entreprises font partie des mesures instaurées pour favoriser cet accès des PME. L'intervenant a par ailleurs conseillé aux acheteurs publics d'organiser des rencontres avec les entreprises ou encore d'allonger les délais de réponse aux appels d'offres afin de laisser le temps aux entreprises de s'organiser. Quoi qu'il en soit, il est important de "nouer le dialogue" entre acheteurs publics et entreprises pour désamorcer les conflits, a souligné Bertrand Rouzier.
Enfin, revenant sur l'actualité européenne, Aymeric Hourcabie, avocat au barreau de Paris, a précisé que la nouvelle directive Marchés publics reconnait clairement la coopération public-public, comblant ainsi le texte d'une insécurité juridique. En effet, la volonté première des législateurs a été "d'acter les avancées jurisprudentielles en la matière depuis plusieurs années", a commenté l'avocat. Un principe est rappelé : une relation contractuelle entre deux personnes publiques ne suffit pas à exclure le contrat de la réglementation des marchés publics. Par ailleurs, confirmant une jurisprudence de la Cour de justice, la directive exclut de son champ d'application toute intervention d'une personne publique par ses propres services. Est aussi exclu du champ du texte européen le transfert de compétences d'un pouvoir adjudicateur à un autre lorsqu'il y a un transfert complet du service public, que le bénéficiaire du transfert gère le service en toute indépendance et en assume l'entière responsabilité.
L'Apasp
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